Vaincre Bolsonaro maintenant dans les urnes, préparer la confrontation pour défendre les intérêts de la majorité sociale.
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Vaincre Bolsonaro maintenant dans les urnes, préparer la confrontation pour défendre les intérêts de la majorité sociale.

Document politique approuvé par la Coordination nationale du Mouvement de la gauche socialiste (MES/PSOL).

Coordenação Nacional do MES 1 jul 2022, 10:47

COORDINATION NATIONALE DU MES, 5 JUN 2022

Nous sommes à la veille d’une nouvelle bataille électorale, qui marque déjà de son empreinte la situation politique nationale ; et cette bataille s’inscrit dans un scénario plus général : l’approfondissement de la guerre en Ukraine, à partir de l’invasion criminelle russe, qui met la planète en alerte, dans la crainte d’une escalade mondiale. Les effets de la guerre augmentent la faim et les inégalités dans toutes les régions de la planète. Les deux dernières années ont été marquées par la pandémie de Covid-19 qui, bien que nous ayons dépassé son pic au Brésil, continue de dévaster des régions entières du globe, comme l’illustrent les récents lock Downs en Chine.

Le Brésil est partie prenante des contradictions générales : ici, nous avons un gouvernement d’extrême droite, dans le sillage d’une dynamique internationale, une dégradation des conditions de vie d’une grande partie de la population et une tension politique constante, produit de la crise globale.

Dans ce cadre, la VIIe Conférence nationale du MES, qui s’est tenue fin novembre 2021, a défini que nous étions dans une situation de ” transition “, où la tâche principale était de mener une lutte sans relâche pour tirer Bolsonaro du gouvernement.

Depuis lors, nous avons continué à approfondir cette orientation, aujourd’hui réactualisée á la lumière des éléments les plus récents, comme la décision du PSOL de ne pas présenter de candidature propre au premier tour des présidentielles (décision à laquelle nous étions opposés), et la polarisation électorale croissante.

Nous continuons avec le poids de ceux qui ont mené la première demande de destitution de Bolsonaro, avec plus d’un million de signatures et qui ont participé activement aux manifestions de rue pour le Fora Bolsonaro! [Dehors Bolsonaro], même lorsque d’autres secteurs refusaient ces initiatives.

Dans ce bref document national, nous voulons présenter notre lecture de la réalité et les tâches qui sont les nôtres dans ce combat indispensable.

1La guerre et la crise multidimensionnelle

La catastrophe de la guerre a des parallèles avec deux autres processus qui accélèrent les contradictions du capitalisme contemporain : la crise environnementale structurelle et la pandémie de coronavirus. Les effets généraux de la pandémie de covid-19 ont modifié les habitudes et les routines de milliards de personnes, provocant près de 7 millions de morts officiels, un nombre forcément sous-évalué si l’on pense aux difficultés du contrôle sanitaire dans les pays les plus pauvres. La Chine est sous l’effet de confinements très stricts.

Pour comprendre la guerre, ses causes et ses conséquences, il est important de la caractériser et de recourir à des concepts comme celui de la crise multidimensionnelle, contribution de la Quatrième Internationale que nous avons utilisé. Les diverses dimensions combinées de la crise s’inscrivent dans un contexte encore plus large de crise de l’impérialisme américain et de désorganisation géopolitique dont récente invasion russe en Ukraine est l’expression la plus claire.

Les traits généraux de la situation présentent les caractéristiques suivants:

  • Existence d’une crise économique et sociale dans le monde, qui réduit les possibilités pour le capitalisme de garantir de meilleures conditions de vie. Au contraire, nous voyons plus de précarité, de faim, de misère, de reduction des salaires, de chômage, de guerres et de vagues migratoires. Comme l’analyse Michael Roberts, nous avons devant nous la possibilité d’une décennie de dépression économique qui ouvre de sombres perspectives, bien que des périodes de croissance et d’éventuelles crises puissent se produire dans ce contexte plus large dans certaines régions de la planète t certains secteurs économiques.
  • Une crise environnementale profonde avec chaque fois plus un caractère d’urgence dans la mesure où l’on se rapproche du “point de non-retour” du réchauffement climatique, indiqué par certains scientifiques pour cette décennie. Le changement climatique sur la planète a changé les conditions d’accès à l’eau, la productivité des sols, provoqué la multiplication des événements extrêmes, entre autres exemples, qui influencent directement les nouveaux flux migratoires mondiaux de “réfugiés climatiques” provenant principalement d’Amérique centrale, d’Afrique et d’Asie. D’autre part, un mouvement mondial de la jeunesse contre la crise climatique, qui avait des expressions de masse avant la pandémie, se renforce également.
  • La pandémie a également mis en évidence la crise sanitaire découlant de la rupture métabolique de plus en plus profonde entre l’humanité et la planète, donnant lieu à une “nouvelle normalité” dans laquelle de nouvelles vagues pandémiques sont à l’ordre du jour à l’échelle mondiale, propagées rapidement par les flux intenses de la circulation mondiale des personnes et des biens. Le thème du travail du soin et de la reproduction sociale devient encore plus central dans ce contexte, mettant en évidence la profonde racialisation et la coupure de genre des travailleuses mal payées qui se situent principalement à cet endroit de la division sociale du travail.
  • Il existe une profonde division au sein des classes dirigeantes, qui s’exprime par le renforcement de l’extrême droite contre les libéraux dans la dispute pour les destinées des régimes bourgeois. La crise des démocraties bourgeoises libérales s’inscrit dans une dynamique de polarisation et de vidage des centres politiques, qui indique également des possibilités pour la gauche radicale. En outre, cette division s’exprime également dans l’absence d’une puissance hégémonique et dans la compétition entre les États-Unis et la Chine, dont l’issue reste ouverte.
  • Tout cela se combine avec une crise de direction du mouvement de masse et du programme communiste. Les difficultés de la réorganisation internationale des révolutionnaires demeurent, bien qu’il y ait des initiatives importantes dans ce sens dans le cadre de la Quatrième Internationale et au-delà. L’absence d’une alternative politique révolutionnaire identifiable par la majorité de la classe ouvrière conduit souvent au renforcement d’anciens et nouveaux débouchés opportunistes, souvent en tant qu’expressions déformées de processus authentiques de lutte sociale et de résistance démocratique.

1.1La guerre provoque un énorme changement dans la situation mondiale.

L’invasion russe du territoire ukrainien est une agression sans précédent. Dans le cadre de la ligne expansionniste de l’impérialisme russe, les tambours de la guerre se font de nouveau entendre en Europe. C’est un changement de la situation politique.

Face à l’agression russe, plaçant un nouveau théâtre d’opérations en Europe de l’Est, nous avons défini le caractère de la guerre :

L’escalade de l’invasion militaire russe en Ukraine rend déjà évidentes les véritables intentions de Vladimir Poutine : promouvoir une guerre impérialiste pour l’annexion de territoires et le rétablissement d’un régime fantoche de la Russie comme celui qui contrôlait le pays avant 2014. Poutine n’accepte pas l’autodétermination du peuple ukrainien et s’est déjà prononcé publiquement contre un État indépendant, utilisant la guerre pour affirmer ses intérêts impérialistes dans la région et répétant la même violence appliquée lors de l’invasion de la Géorgie et dans la collaboration avec la répression promue par les dictatures du Belarus et du Kazakhstan contre leurs propres peuples.1

L’agression impérialiste russe contre l’Ukraine dure depuis presque 100 jours. La guerre a ému la planète. Après des cycles de négociations, les tentatives de cessez-le-feu ont échoué. Quelques “couloirs humanitaires” établis lors des premiers pourparlers ont été bombardés. Il y a déjà plus de 5 millions de réfugiés de guerre. Le conflit se déroule et plane l’ombre d’une action nucléaire, toujours mise en avant par le chauvinisme grand-russe de Poutine.

Contrairement à ce que Poutine et certains des principaux analystes militaires avaient prédit, il n’y a pas eu de “guerre éclair”, avec la chute de Kiev en quelques semaines. Macron avait même offert d’acqueillir Zelenski en exil au début de l’agression militaire, ce qu’il a refusé, pour diriger la résistance. Et c’est la résistance de centaines de milliers de civils, dans une véritable action de masse contre l’agresseur extérieur, qui a stoppé l’offensive du Kremlin. L’action de Poutine était fondée sur l’hypothèse que l’Ukraine ne devrait pas exister, attaquant Lénine et sa défense du droit à l’autodétermination des peuples lors de l’annonce de “l’opération militaire spéciale“.

1.2Les conséquences de la guerre

Outre ses effets les plus immédiats sur la population ukrainienne, contrainte d’abandonner les régions directement touchées par l’occupation russe, la guerre a des impacts économiques majeurs. Si l’on considère que le scénario précédent était déjà celui d’un accroissement des conflits commerciaux entre la Chine et les États-Unis, la guerre aggrave une situation de crise déjà grave, avec un impact mondial.

Outre l’impact sur l’approvisionnement en gaz du continent européen, la conséquence la plus grave observée concerne la crise alimentaire. La Banque mondiale évoque la possibilité d’une crise mondiale de l’approvisionnement alimentaire, étant donné que la Russie et l’Ukraine représentent 30 % des exportations mondiales de blé et 20 % des exportations mondiales de maïs, ainsi qu’une grande partie de la production d’engrais. L’indice des prix de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) a augmenté de 12,6 % au cours du seul premier mois de la guerre, ce qui a eu un impact sur l’inflation dans le monde entier. Il s’agit d’une escalade de l’inflation qui affecte profondément les pays d’Afrique et d’Asie du Sud, et notamment les secteurs les plus pauvres de la population, qui consacrent une part toujours plus importante de leurs revenus à l’alimentation.

Il est important de noter que la guerre et les conséquences de la pandémie de Covid-19 ont impacté une économie mondiale déjà sous les effets de la crise de 2008. La Chine, la “locomotive” de l’économie mondiale, connaît déjà un ralentissement, une situation qui est aggravée par les nouveaux lockdown. La situation n’est pas différente aux États-Unis, où la première économie mondiale peine également à renouer avec la croissance.

Partout dans le monde, le scénario est celui d’une reprise de l’inflation : 7,9% aux Etats-Unis, 5,9% dans la zone euro, 9,2% en Russie et plus de 12% au Brésil. Les gouvernements des grandes économies prennent des mesures pour contenir l’inflation, mais, comme l’indique Michael Roberts, ces mesures n’ont pas pour objectifs : “de contribuer à soutenir l’emploi et la croissance économique (…). C’est parce que l’inflation est le principal ennemi du système bancaire. Les prêteurs et les emprunteurs d’argent perdent si l’inflation augmente, tandis que les emprunteurs et les emprunteurs gagnent. Et les banques centrales ont été créées pour soutenir le secteur financier et sa rentabilité, et pas grand-chose d’autre2.

Même si le scénario d’une escalade guerrière ne représente pas une tendance confirmée, puisque plusieurs pays impliqués possèdent des armes nucléaires, les effets de la guerre sur le territoire ukrainien sont déjà dévastateurs, puisqu’ils se produisent dans un cadre étable de crise, de chômage, d’insécurité alimentaire et de dévalorisation des salaires. Une crise pour laquelle il n’existe aucune issue visible à court et moyen terme.

Comme nous l’avons dit, le scénario mondial est déjà modifié par la guerre. Quelles que soient les perspectives, la question d’un désordre et d’un chaos accrus, d’un l’ordre mondial déjà en crise, est posée. Dans la lutte inter-impérialiste concrète (d’un côté, les États-Unis, l’OTAN et l’impérialisme, de l’autre, la Russie dans sa relation avec l’Ukraine), à long terme, il n’y a pas d’autre avancée qu’un plus grand désordre dans l’ordre mondial. Dans les perspectives les plus concrètes, il existe deux scénarios possibles. Soit une prolongation de la guerre, soit un armistice et un pacte de statu quo, dans lequel la Russie garderait la région orientale qu’elle à occupe déjà et qu’elle s’efforce de consolider militairement. L’idée de Biden d’imposer une défaite totale à Poutine semble s’estomper à la lumière de la situation concrète et de l’impossibilité actuelle pour les troupes en Ukraine d’imposer un retrait.

Mais ce serait une issue relative, car elle signifie un échec du premier plan de Poutine, qui consistait à occuper tout le territoire et à le doter d’un gouvernement fantoche, mais en prenant le contrôle de la région orientale. Cette politique est celle qui semble défendre une partie de l’impérialisme, en particulier l’Allemagne qui est la plus touchée par la guerre. Cette solution reporte la lutte pour l’autodétermination du peuple ukrainien, mais ne la retire pas de l’agenda des aspirations des masses, qui reviendront plus tard à la lutte ; peut-être dans un avenir immédiat contre l’ultralibéralisme de Zelensky, qui gagne en prestige pour son attitude face à la guerre, mais qui reste sous pression à la fois par l’impossibilité d’une victoire militaire totale contre Poutine et par l’extrême droite qui s’est renforcée dans la résistance à l’invasion après sa décadence politique de ces dernières années.

1.3La gauche et la guerre

Notre courant a été à l’avant-garde de la construction d’actions contre la guerre, en diffusant la déclaration de la Quatrième Internationale et en regroupant différents secteurs qui rejettent le campisme qui réduit la critique de Poutine. Nous avons mené une série d’initiatives, d’actes devant les consulats et les ambassades et un grand acte international en ligne, qui a rassemblé des dirigeants d’organisations socialistes de plus de quinze pays, contre l’agression contre l’Ukraine. Par le biais de Rede Emancipa [Réseau Emancipa, mouvement social d’éducation poulaire], nous sommes entrés en contact avec le Mouvement Social Ukrainien, une petite organisation socialiste qui est aujourd’hui le principal regroupement de la gauche dans le pays, ainsi qu’avec la revue Commons Review, la principale initiative éditoriale de la gauche ukrainienne qui constitue un réseau international dont notre Revista Movimento participera.

Nous avons envoyé un cadre du secrétariat national pour prendre contact avec la gauche polonaise, comme une passerelle vers la gauche en Europe de l’Est. Nous retournerons en Pologne en juin pour le congrès du parti Razem où nous poursuivrons les relations et la construction en priorité avec des groupes d’Ukraine, de Pologne, de Russie et du reste de l’Europe de l’Est.

Dans ce scénario, il est devenu évident que notre adhésion á la Quatrième International était la bonne option. La Quatrième Internationale a joué un rôle fondamental dans la lutte contre les positions campistes, dans la défense de l’internationalisme militant et dans le combat idéologique qui est fondamental pour la formation d’une nouvelle génération de dirigeants socialistes dans le monde entier, une génération qui n’a pas été confrontée aux scénarios de guerre que nous avons connus tout au long du vingtième siècle. Cette position de principe se distingue également des politiques abstraites des secteurs internationalistes qui dénoncent la guerre, mais ne sont pas cohérents avec le soutien à la résistance ukrainienne et s’opposent à l’envoi d’armes.

Au Brésil, le retard de l’avant-garde dans le débat internationaliste a été mis en évidence, avec une plus grande répercussion des positions néostaliniennes. Nous ne pouvons pas surestimer la portée de ces positions, mais le combat idéologique ferme est fondamental pour la dispute, la formation et la préparation de l’avant-garde dans un cadre où les disputes, les guerres et les conflits doivent devenir plus présents. La formalisation de la demande d’adhésion à l’OTAN par la Finlande et la Suède sont des facteurs qui peuvent laisser présager la continuité des tensions dans la région.

Il y a beaucoup d’espace pour les positions internationalistes dans l’avant-garde. Si au Brésil il y a le retard mentionné, en Europe nous avons vu des manifestations de solidarité avec le peuple ukrainien qui ont rassemblé des dizaines de milliers, dans certains endroits plus de 100.000 personnes, comme à Berlin.

Enfin, il est important de relier la croissance de l’extrême droite au niveau mondial également à la crise économique et aux “solutions” que les gouvernements des principales économies mondiales ont cherchées, en renforçant les mesures protectionnistes qui stimulent une idéologie nationaliste, dans le cadre d’une guerre commerciale et d’une crise économique qui s’intensifient. Tout comme la crise économique s’avère durable, ses effets, parmi lesquels l’émergence et le renforcement de l’extrême droite dans divers pays du monde, sont également un phénomène à moyen et long terme.

1.4Une réorganisation mondiale des forces révolutionnaires

La guerre en Ukraine a accéléré le débat dans la gauche mondiale d’une manière beaucoup plus aiguë qu’avant. Le débat entre le campisme et les internationalistes est maintenant posé de manière beaucoup plus claire. Toute guerre de transcendance provoque ce processus (il suffit de se rappeler la première guerre mondiale et la dégénérescence de la social-démocratie). Malgré les énormes différences, cette guerre a mis à nu le visage du nouveau néo-stalinisme, totalitaire et “fachisant” de Poutine, inspiré par l’idéologie réactionnaire d’Alexandre Douguine et qui est soutenu, ou vu avec sympathie, par une partie du campisme qui caractérise comme comme anti-impérialiste les visées du totalitarisme néo-stalinien en Russie, en Chine, au Nicaragua et au Venezuela. Cette guerre a fait apparaître la nécessité d’un regroupement objectif des forces internationalistes et, dans ce sens, la IV a un rôle important à jouer.

La campagne que nous menons en solidarité avec les prisonniers politiques de la dictature d’Ortega depuis une position de gauche et anti-impérialiste contribue à ce processus.

Nos voyages à l’Est s’inscrivent dans l’hypothèse du renforcement d’un programme trotskyste et du regroupement des noyaux révolutionnaires internationaux, auquel nous avons contribué depuis appartenance à la Quatrième, afin de construire une organisation supérieure en programme, en membres et en force militante à l’actuelle diaspora trotskyste. En ce sens, les relations avec d’autres groupes que la IV méritent également d’être soulignées, comme le Razem polonais, La Aurora de l’État espagnol, le MAS portugais, le Bread & Roses/DSA américain, entre autres.

2Brésil – la polarisation domine la situation politique

Comme nous l’avons défini, la situation nationale est marquée par la croissance de la polarisation dans un contexte de crise économique profonde.

La discussion de la situation politique nationale et l’élection sont liées, mais ce n’est pas exactement la même chose. En discutant de la situation politique nationale, nous discutons aussi d’une dynamique économique, de la corrélation des forces entre les classes sociales, des stratégies des secteurs des classes et des partis politiques sur cette situation dans laquelle l’élection est un élément très important y compris son échéance est très proche [le premier tour des présidentielles aura lieu le 2 octobre].

La situation politique ne se limite pas aux élections alors même que nous avons au Brésil un gouvernement qui, pour la première fois depuis de nombreuses années, tente de mobiliser ses partisans dans une stratégie politique pour changer le régime politique, pour changer la forme de domination de la bourgeoisie en créant un régime politique dans lequel la répression devient plus institutionnalisée qu’aujourd’hui. Malgré l’échec de cette stratégie d’extrême droite quant à ses principaux objectifs (fermeture du régime, création d’un parti), la cristallisation d’un noyau de la droite radicale avec un poids de masse important et une capillarité dans la police et les forces armées représente un élément permanent dans la corrélation des forces au Brésil.

Le sondage électoral publié par Datafolha la semaine dernière est un fait nouveau dans la conjoncture. Lula est en tête avec 48% des intentions de vote, contre 27% pour Jair Bolsonaro. La possibilité d’une victoire de Lula au premier tour est ainsi posée.

2.1La crise sociale et économique en toile de fond

Nous vivons une profonde crise sociale et économique, depuis 2014 le Brésil vit avec une réalité de stagnation. L’absence de croissance se reflète à la fois dans le taux de chômage et dans la qualité des emplois générés. La création d’emplois au Brésil s’est faite surtout par le biais du travail informel, des plates-formes de service on-line, du travail partiel ou “à son compte”. Même avec une légère reprise de l’emploi avec le recul de la pandémie et des mesures sanitaires, le taux de chômage est aujourd’hui supérieur à 11%, avec plus de 11 millions de personnes sans emploi, sans compter la sous-emploi qui atteint 23% de la population active.

Cette situation s’aggrave dans un scénario de baisse des revenus du travail, avec une inflation croissante, qui érode le pouvoir d’achat de ceux qui sont encore employés. L’inflation reste élevée, l’IPCA [Indice des biens de consommation] pour les 12 derniers mois est en hausse de 12,13%, mais la situation est encore plus grave pour la population la plus pauvre, car l’inflation alimentaire, depuis le début de la pandémie en 2020, a déjà atteint près de 40%.

Le scénario économique ne montre aucun signe ou perspective de reprise. La crise profonde dans laquelle se trouve le Brésil, au moins depuis 2014, n’offre aucune perspective de croissance, même parce que le pays est dans un large et profond processus de désindustrialisation, qui fait régresser la structure de production nationale, en la spécialisant de plus en plus pour la production de matières premières.

La crise sociale est impressionnante. Nous sommes revenus à un scénario sinistre en matière d’insécurité alimentaire. Après des décennies, la faim est à nouveau une réalité. Une enquête réalisée pendant la pandémie montre que 116,8 millions de Brésiliens n’avaient pas un accès complet et permanent à la nourriture. Parmi eux, 43,4 millions (20,5% de la population) n’avaient pas assez de nourriture (insécurité alimentaire modérée ou grave) et 19,1 millions souffraient de la faim. L’augmentation de 31 % du nombre de sans-abri dans la ville de São Paulo en deux ans de pandémie est un autre signe tragique de la crise sociale.

La structure de ce scénario de crise est marquée par la racialisation de la classe ouvrière brésilienne, qui s’exprime par le fait que les Noirs représentent plus des deux tiers de la population de chômeurs et par tant d’autres exemples, et qui touche plus durement les femmes noires en particulier. La politique génocidaire de sécurité publique utilise la pretexte fallacieux de la guerre contre la drogue pour militariser les périphéries, criminaliser la pauvreté et exécuter systématiquement les jeunes hommes noirs.

Le Brésil connaît un phénomène de “décadence” dans le scénario international en tant que pays en raison de la désindustrialisation et du modèle prédateur basé sur l’exportation de biens à faible valeur ajoutée, sur l’hypertrophie du soja, sur l’élevage extensif et l’exploitation minière prédatrice. La crise dans les campagnes brésiliennes est analogue au manque de nourriture dans les villes.

Tout ceci se développe dans un contexte d’approfondissement d’une politique écocide qui mise sur l’expansion des frontières agricoles, l’empoisonnement des sols et l’élimination sauvage des déchets, aggravant l’impact socio-environnemental et affectant toute la population. Cette politique de Bolsonaro a notamment été exprimée par l’ancien ministre Ricardo Salles et a démoralisé le Brésil dans le débat international.

Au début de 2022, nous avons connu une vague de grèves des employés municipaux. C’est une réalité qui devrait persister et s’approfondir pour l’année qui vient, compte tenu de la reprise de l’activité et de la perte de pouvoir d’achat des salaires évoquée plus haut, avec le retour de l’inflation.

Ce qu’il est important de noter ici, c’est que le scénario de crise économique n’a aucune perspective d’amélioration à court ou moyen terme. Ce qui pose la possibilité (et même la tendance) de nouvelles vagues de luttes économiques, de l’entrée en scène de nouveaux secteurs.

2.2La surenchère golpiste du bolsonarisme

Il est fondamental, pour analyser l’escalade golpiste de Bolsonaro, de comprendre le moment dans le cadre de la crise ouverte en 2013. Pas dans le sens que le Petisme et ses satellites donnent aux journées de juin 2013, mais en comprenant que juin a provoqué une fracture profonde dans le régime bourgeois brésilien, qui jusqu’alors été géré de façon relativement stable par les gouvernements Petistes. Ce que le mois de juin a montré, c’est l’incapacité du PT à gérer le mécontentement. À partir de juin, une partie importante de la bourgeoisie brésilienne a rompu avec le PT et a commencé à chercher d’autres projets pour gérer ses affaires.

Bolsonaro est le résultat d’une situation qui finit par convaincre une partie de la politique bourgeoise, car c’est un politicien bourgeois qui s’est organisé avec des secteurs bourgeois avec un projet d’extrême droite. Et ce projet a une fraction militaire exprimée dans plus de 6 000 postes de confiance occupés par les militaires dans le gouvernement. C’est un phénomène mondial, l’extrême droite existe partout dans le monde, mais elle ne gouverne pas partout. Bolsonaro est donc très exemplaire, car ici l’extrême droite gouverne. Il règne au Brésil, il règne en Pologne, en Hongrie, aux Philippines. Il a essayé de gagner les élections françaises et a perdu. À mi-parcours du mandat de Bolsonaro, la défaite de Donald Trump aux États-Unis a été un facteur de déstabilisation du gouvernement.

D’autre part, l’incapacité de Bolsonaro à gérer les affaires et son pari sur l’augmentation de la barbarie policière comme politique de sécurité publique ont entraîné de profondes divisions dans la bourgeoisie qui le soutenait. Dès la première année de son gouvernement, Globo et d’autres médias, comme Folha de São de Paulo, représentants d’importantes parties de la bourgeoisie brésilienne, ont rompu avec le gouvernement et sont passés dans le camp de l’opposition. Les ruptures des secteurs bourgeois avec Bolsonaro se sont également exprimées dans la politique nationale, avec la sortie de Moro [ministre de la Justice] puis de Mandetta [ministre de la Santé] du gouvernement. Le fait important à marquer, c’est qu’il n’y a pas d’unité de la bourgeoisie brésilienne autour du projet de changement de régime représenté par Bolsonaro, et cela compte.

Certains disent que la question n’est pas de savoir si Bolsonaro va tenter un coup – ou son “assaut sur le capitole” – mais “quand”. Cette possibilité est directement liée aux futures négociations intra-bourgeoises pour une éventuelle transition gouvernementale. Pour faire face au risque que cette situation pose, il faut parier sur la mobilisation de masse, de la rue, pas seulement électorale, et sur le début de l’explication patiente au mouvement de masse de la nécessité de construire son autodéfense.

2.3La troisième voie sur la route du naufrage

La crise de l’alternative, que nous analysons toujours du point de vue de la classe ouvrière, se produit et s’approfondit également du point de vue de la bourgeoisie. La plus grande expression de cette situation est la crise de l’autoproclamée “troisième voie”, une crise, en premier lieu, du PSDB, le parti qui a maintenu l’hégémonie de la politique bourgeoise au Brésil depuis le milieu des années 1990.

Les difficultés de ce secteur le plus traditionnel de la droite brésilienne, représenté principalement par le PSDB, le DEM (aujourd’hui União Brasil) et le MDB, sont apparues depuis 2018, lorsqu’une partie de ces secteurs s’est unifiée pour la victoire de Bolsonaro. La Bolsodoria [contraction des noms de Bolsonaro et de João Doria] a été l’expression de cette unité. Une partie des secteurs qui se référaient aux partis traditionnels de la droite brésilienne, après l’unité de 2018, restent avec Bolsonaro. Doria [le gouverneur de São Paulo] est passé du côté de l’opposition, le gouverneur de Rio, Wilson Witzel a fini par subir un impeachment, ce qui a augmenté la fissure entre les secteurs bourgeois et la perte d’espace de Bolsonaro dans la superstructure.

La stagnation de la “troisième voie” intervient au moment où le contentieux électoral commence à prendre forme, Bolsonaro misant tout sur la relative remontée des derniers sondages pour assurer sa place au second tour, même si ses chances de victoire finale sont de plus en plus éloignées. Ainsi, Moro s’est retiré de la course et João Doria a annoncé son retrait après avoir vu sa candidature imploser au plus haut niveau du PSDB. Maintenant, les candidatures de Simone Tebet – très contestée parce qu’elle n’est pas un nom de poids et parce que les “vieux renards” du MDB, comme Calheiros, Barbalho, Eunicio et même Sarney sont déjà avec Lula – et de Bivar sont sur les rangs. L’espace déjà réduit de Ciro s’amenuise également, car il fait signe à la bourgeoisie autour de la droite traditionnelle et se bat avec les moyens dont il dispose pour rester dans la course, jusqu’à présent.

D’autre part, face à la tragédie du gouvernement actuel, une partie de la bourgeoisie se tourne progressivement vers la candidature de Lula, voyant dans l’ancien président la possibilité de vaincre Bolsonaro. C’est la raison et le sens de la présence d’Alckmin sur la liste présidentielle [comme vice de Lula] a ce sens et cette signification. Le bloc PSDB-DEM, qui hégémonisait la représentation bourgeoise dans la période de la Nouvelle République, a été vidé, d’une part par le bolsonarisme et d’autre part par le front formé par Lula.

2.4Le PT, sa stratégie et sa position politique

Sur le terrain électoral, le secteur bourgeois démocratique a accepté de passer un accord avec le PT. Ou plutôt, de renouer son accord avec le PT. Il s’agit notamment de l’opération menée au sein du STF pour la libération de Lula et l’annulation des procès de Curitiba, sur la base de l’évaluation selon laquelle il serait le seul à avoir la capacité électorale de battre Bolsonaro. Depuis lors, Lula est en tête des sondages. Récemment, il a lancé le ticket Lula-Alckmin, qui est un accord très puissant. La pièce Alckmin sur l’échiquier de Lula n’est pas une pièce mineure, il a été gouverneur de São Paulo pendant 16 ans. Il jouera un rôle clé dans la campagne, tout comme il jouera un rôle clé dans un éventuel gouvernement.

Ce n’est pas un accord exprimé publiquement, mais c’est l’accord de Lula et de FHC, l’accord de ceux qui ont mis en place la Nouvelle République. L’objectif est de refonder la Nouvelle République et d’empêcher la progression du bolsonarisme dans un processus de changement de régime.

Lula remplit deux rôles. D’une part, il devra faire de son ticket un front démocratique de plus en plus bourgeois, presque d’unité nationale pour battre Bolsonaro. Comme la troisième voie échoue, ces secteurs doivent se définir d’un côté ou de l’autre.

Lula fera l’effort d’être encore plus représentatif des intérêts bourgeois. Le travail de Lula est de gagner l’élection et surtout de démanteler le projet de coup d’État de Bolsonaro. C’est un travail de construction au sein des institutions, de la Cour suprême, avec les gouverneurs alliés, avec les relations dans les forces armées et la police, bref, au sein de toutes les institutions de l’État bourgeois afin d’intimider Bolsonaro et de l’empêcher de mener son coup d’État jusqu’à ses ultimes conséquences.

La tension dans l’air porte sur ce qu’ils vont faire avec le projet de coup d’État de Bolsonaro, comment ils vont essayer de le convaincre de ne pas franchir ce pas. Il s’agira d’une lutte des “institutions”, pour, si tant est que c’est possible, controler Bolsonaro.

La “via Lula” fait partie de ce processus. Lula a déjà la confiance du marché et spécule un interlocuteur : Pérsio Arida. Economiste de confiance de FHC, l’un des pères du Plan Réel. Le gouvernement sera accepté comme un gouvernement au service du capital, dans l’intérêt général des capitalistes brésiliens.

3Le PSOL et les dilemmes de la gauche radicale

3.1L’adhésion sans critique au Lulisme

Le 30 avril, le PSOL a défini son soutien à Lula-Alckmin au premier tour. Ce n’était pas notre position. Comme nous l’avons déclaré lors de la dernière période où le PSOL a eu ce débat, nous envisagerions nous-mêmes cette hypothèse dans un scénario où Lula aurait des difficultés à passer au second tour. De la même manière, guidés par la nécessité de vaincre Bolsonaro, nous envisagerions également cette hypothèse dans un scénario où Lula pourrait être victorieux au premier tour. Ce point est important pour souligner que le soutien à Lula au premier tour, bien qu’il s’agisse d’une erreur dans un scénario où Lula mène la course électorale, ne signifie pas, en soi, un changement de nature du PSOL.

La question qui se pose pour le PSOL après la définition du soutien à Lula est celle de ne pas se diluer. Tel est le défi : agir dans le présent, dans la campagne de Lula, mais en préparant déjà les confrontations futures. Ce n’est pas une tâche simple, car la majorité actuelle du PSOL est formée par des organisations qui n’ont pas la même compréhension du rôle que le PSOL devrait avoir, à savoir construire un outil pour la lutte politique de la classe qui dépasse le PT á gauche, avec un profil anticapitaliste et indépendant. Ce sont des organisations qui n’ont pas fondé le PSOL, et nous ne disons pas cela pour une simple démarcation, mais parce que ce fait révèle cette différence fondamentale, stratégique, sur la nécessité ou non de faire du PSOL un projet de dépassement du PT.

Et il ne s’agit pas de n’importe quelle différence. Elle est à la base des divergences au sein du parti quant à la relation à établir avec la campagne de Lula et le PT. Des organisations comme Primavera et Revolução Solidaria n’ont pas de différences programmatiques avec le PT, puisqu’elles ont rejoint le Parti, chacune à son époque, en défendant le programme de “démocratie populaire”. Cela a deux conséquences : premièrement, dans la relation qu’ils ont établie avec la campagne de Lula (que nous détaillerons plus loin) ; deuxièmement, dans leur position de défense de la participation au probable prochain gouvernement (tout comme ils défendent déjà la participation aux gouvernements Petista dans les municipalités, même lorsque des partis de la droite traditionnelle y participent). Il n’est donc pas étonnant que leur position de soutien à Lula prenne la forme d’une adhésion totale au discours et au projet du PT de “reconstruction du pays”.

3.23Différences entre le vote critique et les accords programmatiques

Compte tenu de notre définition du respect de la résolution de la Conférence électorale du PSOL, il est nécessaire de développer notre position sur notre participation à la campagne de Lula ; les divergences au sein du PSOL résident également dans ce point.

Comme nous l’avons indiqué dans les points précédents, nous traversons une profonde crise économique mondiale, aggravée par la crise climatique, la pandémie de Covid-19 et, plus récemment, la guerre en Ukraine. Cette réalité, ajoutée à la caractérisation du caractère d’un éventuel du gouvernement Lula-Alckmin, indique que cet éventuel prochain gouvernement ne tiendra pas compte des besoins de la grande masse de la population qui, comme cela a été souligné précédemment, souffre du chômage, de la précarité, de la faim et de l’inflation. La situation économique est très différente de celle qui prévalait lorsque Lula était au pouvoir la première fois.

Si, au cours de la période 2003-2010, Lula a déjà parrainé des attaques contre la classe ouvrière, comme la réforme de la sécurité sociale de 2003, la cession du patrimoine publiq aux intérêts privés, les attaques contre la fonction publique et une politique environnementale orientée vers l’exploitation prédatrice de la nature, comme dans les projets Jirau, Santo Antonio et Belo Monte, pourquoi entretenir l’illusion qu’en 2023, nous pourrions avoir un gouvernement “progressiste” qui maintiendrait le trépied macroéconomique, qui reproduitrait la conception institutionnelle du Plan Réal, que le texte mentionne ci-dessus. Compte tenu des conversations avec Arida, pouvez-vous renforcer l’argument de la continuité ? Nous ne pouvons pas faire partie de ceux qui trompent la classe ouvrière.

Comme nous l’avons déclaré dans notre éditorial après la Conférence électorale du PSOL3, nous ne pouvons que parier sur la force du peuple mobilisé, des syndicats, des mouvements sociaux dans les campagnes et les villes, sur la force des femmes, des noirs et des jeunes. Nous ne pouvons pas semer des illusions, comme agiter une prétendue “dispute sur un programme de gauche pour Lula”.

Au sein de la majorité actuelle de la direction du Parti, nous assistons exactement au contraire. Les déclarations selon lesquelles le rôle du PSOL est d’élire un groupe parlementaire fort pour “aider à gouverner”, ou les références à un éventuel gouvernement Lula-Alckmin comme “notre gouvernement”, la reprise des slogans Pétistes qui disent qu’élire Lula signifie avoir “un Brésil heureux à nouveau”, comme si cela avait été la réalité pendant les gouvernements pétistes.

Le PSOL, et surtout notre organisation, ne peut cautionner ce discours. Nous devons dire les choses telles qu’elles sont. Notre vote pour Lula est, avant tout, un vote contre Bolsonaro. Nous ne pouvons pas faire partie de ceux qui réaffirment l’emprise de Lula sur la classe ouvrière, car cela va à l’encontre de la politique que nous devrons mener par la suite. En ce sens, parler de gouverner ensemble, comme le font Primavera et Revolução Solidaria est inacceptable ; tromper le mouvement de masse sur qui représente Lula et quel est son projet, en parlant de “disputer le programme du gouvernement”, comme le fait la Resistencia est également une erreur.

3.3L’espace à gauche, polarisation et lutte politique

Dans une certaine mesure, le mouvement autour de la candidature de Lula aura le caractère d’un large mouvement démocratique, de refus du gouvernement Bolsonaro et de la tragédie de ses quatre années au pouvoir. Il est encore trop tôt pour préciser la taille de ce mouvement.

Même sans précision, nous pouvons dégager certaines tendances.

Le traumatisme que le gouvernement Bolsonaro a signifié, au-delà de la réalité objective, a eu un grand impact sur la subjectivité de la classe, impliquant un recul du niveau de conscience du mouvement de masse. Dans ce que nous pouvons mesurer jusqu’à présent, la majeure partie du mouvement de soutien à Lula a également un caractère de soutien programmatique, de soutien aux alliances, de soutien au repli programmatique. Ils reflètent la formulation pétitionnaire elle-même, qui entend “combattre” l’extrême droite par toujours plus de modération. Nous ne pouvons pas oublier que l’expérience du PT au gouvernement a été interrompue par l’impeachment. Il y a une accumulation de cette expérience, étant donné que le PT a gouverné pendant 14 ans, mais n’est pas allé jusqu’á son terme. Cela explique l’adhésion d’une bonne partie de ceux qui soutiennent Lula au projet de conciliation. Cette partie ne devrait progresser en conscience qu’après une nouvelle expérience, à partir de 2023.

Cependant, comme il a été dit, l’expérience des gouvernements Pétistes a existé. Juin 2013 existe. Et il n’y a pas d’expérience vaine. Une grande partie de ces secteurs feront également partie de la campagne de Lula. Il y aura une partie de ceux et celles qui soutiennent Lula qui seront à la gauche du PT. En fait, ils le sont déjà. Ce sont des secteurs qui ont animé les luttes de la dernière période, depuis juin 2013, en passant par le printemps des femmes, la grève générale de 2017, le movement #EleNão, le tsunami de l’éducation, le soulèvement de la négritude et les mouvements antifascistes. Ils ont lutté contre Bolsonaro même lorsque la direction Pétiste prétendait que l’heure n’était pas aux mobilisations.

Il y aura un espace, même au sein de la campagne de Lula, pour organiser un secteur radicalisé, qui soutient Lula simplement parce qu’il veut se “débarrasser” de Bolsonaro, mais qui aspire à un programme radical. Ce secteur, bien que minoritaire, peut soit être organisé par le PSOL, par nous, soit, en l’absence de porte-paroles de leurs aspirations, être gagné à la politique de conciliation. Il est essentiel que nos représentants, nos militants, nos candidats, vocalisent cette position de voter pour Lula contre Bolsonaro, sans illusions, et en sachant que l’avenir sera une confrontation avec le gouvernement du PT. C’est ce que nous appelons dans notre tradition la politique de l’unité et de la confrontation. L’organisation de ce secteur à partir de maintenant déterminera notre capacité à disputer la direction du mouvement de masse dans la période suivante.

Du point de vue de la gauche en dehors du PSOL, l’espace sera très réduit, non seulement en raison des difficultés juridiques, qui écartent le PSTU, l’UP et le PCB des débats et du temps de télévision, mais aussi en raison de la véritable polarisation qui s’impose. A cela s’ajoute la ligne politique autoproclamée de ces secteurs, comme l’UP qui a empêché l’unité avec le PSTU et Conlutas en pleine assemblée du Povo na Rua, lors des luttes de Fora Bolsonaro. Par conséquent, vous n’aurez pas une, mais deux ou trois petites candidatures, sans espace médiatique ou politique, incapables de s’unir en un pôle. Ce qui ne veut pas dire que nous ne devons pas chercher ces secteurs pour les luttes futures ou pour les combats sur le terrain, comme les listes syndicales et étudiantes, notre tâche constante.

Un autre problème sera que le PCdoB, malgré son poids parmi les jeunes et dans les espaces syndicaux et sociaux, rencontrera des difficultés d’expression publique à cause de son appartenance á la fédération – assez asymétrique – avec le PT et le PV. La critique que les secteurs internes de ce parti font de l’hégémonisme du PT se vérifiera dans la pratique, provoquant un bouleversement du profil et de l’identité du PCdoB, face aux prochains gouvernements.

Ce que oui, nous affirmons, c’est que la meilleure position est de postuler un espace indépendant du PSOL, avec son propre profil programmatique et anticapitaliste. C’est ainsi, que nous avançons dans les élections et dans le mouvement de masse. En ce sens, l’approbation de la fédération avec Rede garantissant l’autonomie des partis et les possibilités d’expression démocratique de ses différentes forces politiques était importante pour contribuer à garantir l’important espace institutionnel que le PSOL doit continuer à maintenir.

3.4Notre position

Comme on l’a dit, il n’est pas encore possible d’affirmer les proportions du mouvement qu’acquerra la campagne de Lula. Si la récente visite de Lula à l’Unicamp a rassemblé près de 10 000 jeunes, laissant entrevoir cette possibilité, les actions de rue du 9 avril ont été ” tièdes, ne rassemblant guère plus de 3 à 5 mille personnes à São Paulo, reflétant la politique du PT de mener une campagne ” froide “. Il se peut qu’à l’approche de la période électorale, la mobilisation s’intensifie. Nous pouvons même souligner que c’est la tendance. Même si cela se confirme, il s’agira davantage d’une initiative “d’en bas”, à l’instar de la campagne de “retournement de voix ” du second tour de 2018, plutôt que d’une politique de la direction Pétiste pour motiver ce type de campagne.

Nous ferons partie de la campagne de Lula, comme nous l’avons déjà dit, mais cela ne signifie pas une adhésion pure et simple à tous les espaces de campagne organisés par le Pétisme. Au contraire, nous devons promouvoir en priorité nos propres espaces de campagne, avec notre programme et notre identité, qui expriment et vocalisent le profil que nous disons exister, d’un secteur de gauche radicalisé, qui veut vaincre Bolsonaro, qui était dans les mobilisations de la dernière période et qui votera pour Lula à cette fin. Nous devons chercher à être l’expression électorale de ce secteur.

Nous construirons la campagne de Lula à partir de l’axe de la lutte contre Bolsonaro, sans nous diluer et en délimitant toujours notre profil et notre programme, en suivant l’exemple de la récente prise de position de Luciana Genro et du PSOL de Porto Alegre dans l’activité tenue avec Lula. Nous ne nous concentrerons pas principalement sur la construction dans les espaces formels de la campagne du PT, mais nous n’adopterons pas non plus une position sectaire envers le large mouvement démocratique qui pourrait se développer autour de la campagne. Dans ce sens, nos actions doivent toujours valoriser la combinaison entre l’amplitude des activités de cette campagne et l’espace que nous aurons pour divulguer et défendre notre politique.

Le point fort de Lula est le rejet de Bolsonaro, c’est le plus puissant car il est l’alternative électorale concrète, mais aussi par son pouvoir de mobilisation. Cette énergie qu’il apporte, celle d’être le seul à pouvoir vaincre Bolsonaro, c’est ce qui enthousiasme la jeunesse, qui est le secteur avec le plus grand potentiel de campagne par la mobilisation de rue. C’est un point très important car la jeunesse repasse cet enthousiasme ausecteur le plus avancé du syndicalisme. C’est ainsi que cela s’est passé au Brésil, à l’instar des années 2013 et 2019, où le début de la résistance est venu de la jeunesse. Le mouvement antifasciste était jeune et le soulèvement antiraciste avait un protagonisme jeune.

4Nos campagnes majoritaires dans les États auront la responsabilité de défendre l’agitation programmatique de masse.

4.1Les comités Bolsonaro Nunca Mais [Plus Jamais]!

Une initiative que nous devons soutenir est celle des comités Bolsonaro Nunca Mais! C’est une possibilité de promouvoir des espaces avec ce caractère décrit antérieurement, construits par le bas, radicalisés, connectés avec les secteurs qui ont été à l’avant-garde des luttes contre le gouvernement actuel.

Le facteur mobilisation, en plus de cette connexion des jeunes avec la campagne de Lula, est fondamental dans l’élection pour rechercher le vote pour nos candidats aux postes de député fédéral, député étatique, sénateur et gouverneur d’état. Mais il est également stratégique pour faire face à la politique golpiste et pour l’avenir, car notre pari pour faire face à la bourgeoisie et à ses deux ailes est la mobilisation, dans l’indépendance et avec le peuple dans les rues.

Nous devons chercher à être la référence électorale et organisationnelle de ce secteur.

4.24.2 La lutte pour un PSOL indépendant

La lutte pour un PSOL indépendant sera centrale. Les pressions pour rejoindre un éventuel gouvernement Lula – ce qui reviendrait à franchir le Rubicon – augmentent avec la polarisation. La dernière bataille, cependant, n’a pas encore eut lieu. En 2023, nous devons combiner, si ce scénario hypothétique se confirme, une lutte publique tenace avec nos tribunes et notre organisation de dispute du PSOL, à l’intérieur et à l’extérieur, en dialoguant avec le militantisme. Ce sera une année de congrès du PSOL, et même avec ses statuts alambiqués, qui utilisent les critères d’affiliés et non de militants, nous devons disputer la construction de sa fraction de gauche.

Nous ne devons pas perdre de vue cette lutte à long terme, elle émule le véritable marathon que les cadres et la direction doivent courir, pour produire un effort concentré sur la tactique électorale pour la réélection.

4.3Programme et orientation

En premier lieu, notre orientation est de jeter toutes nos forces pour battre Bolsonaro. Ceci est déjà consolidé parmi nos cadres. En outre, le renouvellement des mandats de nos députées fédérales, Sâmia [Bomfim, São Paulo], Fernanda [Melchionna, Porto Alegre] et Vivi [Reis, Belem], est une priorité absolue. Cela s’ajoute à la réélection de nos députés d’État, Luciana Genro, Fábio Felix et Mônica Seixas de la Campagne Noire, et de l’élection de Josemar Carvalho. Nous faisons le pari que la défaite de Bolsonaro n’est qu’une première étape, que la lutte continuera dans la période suivante même dans l’hypothèse d’une victoire de Lula. Nos porte-parole à la Chambre fédérale joueront un rôle fondamental pour faire entendre les revendications de la classe qui ne seront pas résolues par les élections.

Nous devons également promouvoir nos propres initiatives, avec notre “visage”, notre méthode de lutte et notre programme.

Nos candidatures (proportionnelles et majoritaires) doivent aussi être un espace d’organisation, de construction et de mobilisation. La position du PSOL de ne pas lancer sa propre candidature, bien qu’elle nuise à la portée de notre politique, n’affecte pas dans la même mesure nos campagnes proportionnelles. Même avec notre propre candidature, ces candidatures ont un haut degré d’autonomie organisationnelle, d’initiatives et de construction de leurs propres espaces. Ce qui change, c’est la portée que nous pouvons avoir de ces campagnes dans une élection très polarisée.

5Éléments de programme

Pour la nécessaire défense d’un PSOL indépendant, authentique, en lien avec le projet fondateur, la démarcation par nos portes paroles et candidats des points programmatiques sera fondamentale. Nous devons approfondir le débat programmatique, en énumérant des points fondamentaux à caractère transitoire et qui marqueront notre profil et notre séparation programmatique du Pétisme.

Nous énumérons ici quelques points fondamentaux, mots d’ordres que nous devons lancer pour sortir de la crise, en les présentant dans ce cadre. La campagne contre les milliardaires, exprimée par le slogan “Les milliardaires ne devraient pas exister !”, est liée à la crise profonde que nous traversons, à la croissance de la pauvreté qui se produit en même temps que l’augmentation de la fortune des milliardaires. Il est nécessaire de défendre l’emploi et les droits, face à la précarité, ainsi que la valorisation des salaires érodés par l’inflation.

De même, mettre en échec les intérêts du capital financier est fondamental, en ce sens, militer pour l’audit de la dette publique reste fondamental (drapeau abandonné par la campagne 2018 de Boulos). Une réforme agraire radicale est une nécessité urgente face à la crise de l’approvisionnement alimentaire et de l’inflation.

La crise pandémique a mis en évidence l’importance de la science, de la recherche et de la structure publique de la santé. La défense d’un programme d’investissement dans les universités publiques, qui concentrent la production scientifique du pays, est un point crucial, ainsi que la défense d’un autre modèle de développement, avec la lutte contre l’exploitation prédatrice de la nature, la défense des biomes et de l’Amazonie.

Par conséquent, nous proposons

VOTEZ LULA 13 CONTRE BOLSONARO

  1. Vaincre l’extrême droite dans la rue et dans les urnes

– Organiser la mobilisation sociale pour arrêter les putschistes. Préparer les comités à faire face à la délégitimation des urnes.

– Prison pour Bolsonaro et sa famille. Démantèlement des mafias, poursuite de l’enquête sur les responsables de la mort de Marielle

– Ouverture du secret des personnes impliquées dans les actes de coup d’Etat. Prison pour Daniel Silveira et Cie.

– Fin de la politique sécuritaire génocidaire contre les populations noires et indigènes.

– Appelez le mouvement de masse à discuter de l’autodéfense.

– Une politique pour les militaires de rang inférieur, la défense des salaires et des droits associatifs.

-Fin de la STM [Superieur Tribunal Militaire]. Enquêter sur les dénonciations faites par la journaliste Miriam Leitão sur les crimes de la dictature.

  1. Pour une économie axée sur la majorité des gens et sur la vie

– Ni la faim ni les milliardaires ne devraient exister ! Que les riches paient pour la crise ! Pour l’imposition des grandes fortunes !

– Audit la dette publique maintenant ! Pour un front de pays débiteurs.

– Fin du PPI ! Petrobras, propriété de l’État à 100 % ! Pour une réduction du prix des carburants!

– Fin de l’autonomie des banques centrales. Pour la nationalisation du système financier.

– Amnistie pour les familles endettées. Programme pour nettoyer les noms des millions dans SPC et Serasa

– Contrôle public et étatique du commerce des crypto-monnaies.

– Réforme agraire maintenant ! Pour un nouveau modèle de distribution alimentaire. Si le pays ne plante pas, la ville ne mange pas.

– Pour un programme destiné aux jeunes ! Contre le projet qui prévoit de faire payer les frais d’inscription dans les universités ! Pour la défense de la science et des universités publiques !

– Non à la réforme administrative ! Pour la défense du service public !

  1. Pour la défense du commun, du public et des droits des travailleurs
  • Abrogation des réformes (travail, sécurité sociale et politique) ! Pas de travailleur sans droits ! Pour l’emploi et la valorisation des salaires !
  • Redistribution des revenus pour les travailleurs, les retraités et les pensionnés. Des politiques visant à réduire le temps de travail sans réduire les salaires, favorisant ainsi la création de nouveaux emplois, ainsi qu’un programme de revenu pour le travail domestique.
  • Priorité au SUS. Des investissements massifs et la fin des OS !
  • Non à la réforme administrative ! Pour la défense du service public !
  1. Pour un Brésil écosocialiste
  • Défense des terres indigènes, contre la borne temporelle.
  • Réglementation des processus miniers et extractifs.
  • La défense de l’Amazonie.
  • La fin de l’accaparement des terres.
  • Financement de la transition énergétique, déforestation zéro, respect de la nature et garantie des droits des peuples autochtones, des peuples traditionnels et des quilombos.
  • Inclusion dans les protocoles internationaux pour la protection du climat.
  • Réforme urbaine visant à retirer les habitations des pentes et des zones à risque.

5. Pour plus de droits. Pour la fin du génocide des jeunes noirs, la défense des femmes, de la population LGBTQI.

  • Combattre la violence policière et la sur-incarcération de la population noire.
  • Lutter contre le racisme structurel dans l’État, dans les entreprises et dans les organisations sociales.
  • Lutter pour un programme visant à défendre la diversité sexuelle et à débattre du genre dans les écoles.
  • Travail du soin : la valorisation de ce travail, qui est féminin, est un programme féministe de plus en plus latent. Les femmes sont majoritaires dans les domaines de la santé et de l’éducation.
  • La reconnaissance de la maternité comme travail, y compris dans le calcul de la retraite, la défense des droits reproductifs des femmes et la lutte contre la violence de genre.

1 https://movimentorevista.com.br/2022/02/contra-a-agressao-imperialista-de-putin-fora-tropas-russas-da-ucrania-em-defesa-da-paz-e-da-libertacao-dos-pacifistas-russos/

2  https://thenextrecession.wordpress.com/2022/03/26/the-war-on-inflation/

3 https://movimentorevista.com.br/2022/05/votar-em-lula-para-derrotar-bolsonaro-mas-confiar-apenas-na-forca-da-luta-dos-trabalhadores-do-povo-e-da-juventude/


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