Trente-cinq ans après la promulgation de la Constitution brésilienne, on peut dire que la Carta Magna de 1988 a permis de franchir des étapes importantes mais insuffisantes vers l’égalité raciale. Les questions sociales, éducatives et culturelles n’ont pas été garanties en tant que droits pour la population noire et, au cours de ces trois décennies et demie, le mouvement noir a continué à se battre pour que des lois soient créées, mises en œuvre et respectées par les organes gouvernementaux et la société dans son ensemble.

Dans le domaine de l’éducation, un sujet qui me tient particulièrement à cœur en tant qu’enseignant, il n’y a pas eu de progrès significatif vers la démocratie raciale dans les institutions éducatives. La Constitution n’a fait que signaler la nécessité pour les programmes scolaires de refléter la pluralité raciale du Brésil. De nombreuses propositions ont été rejetées, ce qui est en partie imputable à la faible représentation des parlementaires noirs dans l’Assemblée Constituante.

Cependant, la lutte du mouvement noir n’a pas cessé d’exercer la force des idées et de l’espoir.

La loi 10.639 a été promulguée il y a 20 ans en janvier dernier. Avec son approbation, il est devenu obligatoire d’inclure l’histoire et la culture afro-brésiliennes dans le programme de l’éducation de base et de la formation des enseignants.

En 2008, la législation a progressé : elle a renforcé la lutte indigène avec la création de la loi 11.645, qui unit, élargit et privilégie l’expression des Noirs et des indigènes dans l’environnement scolaire. Le libellé de la nouvelle loi a ajouté au programme scolaire “la lutte des peuples noirs et indigènes au Brésil, la culture brésilienne noire et indigène et les peuples noirs et indigènes dans la formation de la société nationale, en honorant leurs contributions dans les domaines social, économique et politique, en rapport avec l’histoire du Brésil“.

En 2014, le plan national d’éducation a renforcé l’application de la loi en fixant des objectifs et des délais pour que les programmes scolaires promeuvent pleinement l’enseignement prévu par la législation.

Bien que des décennies se soient écoulées, nous pouvons dire que les lois qui déterminent l’éducation antiraciste n’ont pas été mises en œuvre de manière efficace. Il existe encore un fossé entre ce qui est proposé et les résultats. La raison en est certainement l’intolérance, la discrimination et le racisme.

Il convient de noter que pendant les quatre années du gouvernement précédent [Bolsonaro], le recul n’a pas été plus important que grâce à la résistance de nos éducateurs et à l’organisation des Noirs et des indigènes.

En tant qu’homme noir et enseignant, né et élevé à São Gonçalo, une municipalité de la banlieue de Rio de Janeiro, éduqué dans une école publique et à l’université, je ne peux m’empêcher d’exprimer ma frustration face à la lenteur de la mise en œuvre de ces lois.

Une enquête récente de l’Institut noir Peregum et du projet SETA a révélé que 38 % des personnes victimes de racisme au Brésil l’ont été dans des écoles ou des universités.

Il est consternant de constater que c’est dans l’environnement scolaire que la plupart des personnes sont confrontées à leur premier ou à leur plus fort acte raciste. 

Afin d’inverser cette situation inacceptable, nous devons nous concentrer sur l’enseignement et la refléter la contribution des Noirs à l’histoire du Brésil dans les domaines social, culturel, économique et politique. Dans le même ordre d’idées, nous devons valoriser les intellectuels et les artistes brésiliens noirs, dans les domaines de la littérature, de la musique, de la cuisine et de la danse, ainsi que les religions d’origine africaine.

Les écoles secondaires et élémentaires doivent non seulement appliquer les lois sur la culture et l’histoire des Noirs et des indigènes en classe, mais aussi mettre en place une formation continue contre le racisme à l’intention des enseignants, des cuisiniers des cantines, des inspecteurs et des employés du département de l’éducation.

La non-application des lois 10.639/03 et 11.645/08 et le manque d’investissement dans les départements de lutte contre le racisme au sein des structures des États et des municipalités contribuent à la perpétuation du racisme. La Constitution fédérale, appelée charte démocratique et citoyenne, a peut-être planté une graine, et une éducation antiraciste à grande échelle peut changer le Brésil.  Et comme nous le savons, il n’y a pas de démocratie quand il y a racisme.

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