Les socialistes brésiliens parlent de la construction du parti et de la lutte contre l’extrême droite
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Les socialistes brésiliens parlent de la construction du parti et de la lutte contre l’extrême droite

Deux dirigeants du parti anticapitaliste brésilien PSOL discutent de la situation politique internationale, de la construction du mouvement et du parti, des relations avec le Parti des Travailleurs de centre-gauche et de la lutte contre l’extrême droite

Mariana Riscali, Neal Meyer e Pedro Fuentes 15 set 2023, 08:18

Foto: Luciana Genro

Via The Call

Le Parti socialisme et liberté du Brésil (Partido Socialismo e Liberdade, PSOL) a été créé en 2004 après l’exclusion de certains de ses membres fondateurs du PT (Partido dos Trabalhadores, Parti des Travailleurs) en 2003 pour leur refus de la réforme du régime des retraites avancée par le gouvernement du président Luiz Inacio Lula da Silva. Cette réforme rencontrait aussi l’opposition des travailleurs du secteur public. Aujourd’hui, le PSOL est une force politique importante au Brésil, avec plus de 290 000 membres, une forte présence dans la jeunesse et des militants ancrés dans les mouvements sociaux et les syndicats. Le PSOL compte également 13 députés à l’Assemblée Législative fédérale du pays et de nombreux élus au niveau des États et des communes. Le PSOL n’a pas la dimension qu’a atteinte au centre-gauche le Parti des Travailleurs, mais ses candidats à l’Assemblée Législatives ont obtenu un total de 3,9 millions de voix lors des élections générales de 2022, contre 13,2 millions pour le PT.

Pour les socialistes démocratiques américains qui cherchent à construire un nouveau parti de gauche, le PSOL est un point de référence important (tout comme le PT). La DSA (Democratic Socialists of America, Socialistes Démocrates d’Amérique) compte environ 70 000 membres, une poignée d’élus au Congrès (bien que la plupart d’entre eux ne coordonnent pas leurs activités avec la DSA) et des dizaines d’élus au niveau des États et au niveau local. Comme le PSOL, la DSA est une organisation multi-tendances qui s’efforce de s’implanter dans les mouvements syndicaux, sociaux et étudiants. Et comme le PSOL, la DSA doit relever le défi de lutter contre une extrême droite puissante tout en disputant la loyauté de la classe ouvrière et des forces populaires à un parti de centre-gauche beaucoup plus important. Sans oublier que le PSOL et le DSA interviennent tous deux dans des pays de la taille d’un continent, massivement peuplés et des histoires profondément marquées par le racisme et le colonialisme de peuplement. Il y a bien sûr des différences significatives – la plus importante étant de loin la tâche qui incombe au DSA de combattre l’impérialisme américain depuis le “ventre de la bête”. Mais au fur et à mesure que DSA s’investit plus avant dans la construction et l’organisation du parti, il devient de plus en plus nécessaire d’apprendre des camarades qui effectuent un travail similaire dans d’autres pays. Cet entretien avec des camarades brésiliens est le premier de ce que nous espérons être une série de discussions avec des camarades de partis et de mouvements du monde entier.

Pour cet interview, Neal Meyer, rédacteur de The Call, s’est entretenu avec Pedro Fuentes et Mariana Riscali afin de connaître leur point de vue sur la situation politique mondiale, le militantisme au Brésil et les débats stratégiques au sein du PSOL. Pedro est un membre fondateur du PSOL, le premier secrétaire international du parti, et un dirigeant du MES (Movimento Esquerda Socialista, Mouvement de la Gauche Socialiste), une tendance politique au sein du parti. Mariana est membre du comité de direction du MES et trésorière nationale du PSOL.


L’interview

1. Nous traversons un moment de grande incertitude pour la classe ouvrière internationale, la gauche et les autres forces progressistes. Nous assistons au retour des rivalités inter-impériales, les États-Unis et l’Europe s’opposant à la Russie et à la Chine. Les signes d’une nouvelle crise financière se multiplient. La crise climatique s’aggrave. Les attaques de l’extrême droite contre les droits des minorités raciales, des femmes, des homosexuels et des peuples autochtones s’intensifient et sont de plus en plus coordonnées à travers le monde. Quel est votre point de vue sur la situation politique internationale ? Comment les socialistes devraient-ils réagir au retour des hostilités inter-impériales ?

Pedro Fuentes : Ta question comporte plusieurs aspects, tous très importants. Certainement, nous vivons une période d’incertitude sur la situation mondiale. Qu’est-ce qui provoque tant d’incertitudes ? Il y a une série de crises interdépendantes du système capitaliste : la crise économique, la crise climatique (qui ont toutes deux d’énormes répercussions sur la vie des travailleurs, en particulier ceux du Sud qui vivent sous l’impérialisme), une crise sociale profonde, et aussi une crise de l’ordre mondial. La guerre en Ukraine, conséquence de l’invasion russe, se produit dans le contexte de l’intensification de la concurrence inter-impérialiste que tu évoques. La crise des régimes démocratiques bourgeois et la montée de l’autoritarisme xénophobe, qui nie entre autres la crise climatique et s’oppose aux libertés individuelles, s’inscrivent dans une situation de désordre mondial. Il s’agit d’une crise multidimensionnelle qui montre l’état d’agonie du capitalisme. Comme le dit l’économiste anglais Michael Roberts, le capitalisme a déjà dépassé sa date de péremption.

La contradiction est que l’alternative à ce système, qui est le socialisme international, est très en retard par rapport à la crise à laquelle nous sommes confrontés parce que la conscience socialiste a régressé à la suite des échecs des expériences ratées du “socialisme réellement existant” qui ont été vécues par un tiers de l’humanité (Russie, pays de l’Europe de l’Est, Chine…). Qualifier ces expériences de socialistes est un abus, car il y manquait deux éléments fondamentaux du socialisme : premièrement, la démocratie au sein de ces États (c’est-à-dire les libertés nécessaires pour faire progresser le socialisme dans le pays et dans le monde), et deuxièmement, la lutte pour étendre la révolution et ainsi avancer face au capitalisme à l’échelle mondiale.

Quelle est la perspective de la situation mondiale ? Le capitalisme ne meurt pas de lui-même ; sans lutte des classes, sans révolutions, si nous ne construisons pas cette alternative anticapitaliste, il nous conduira à la barbarie. La dichotomie de Rosa Luxemburg “socialisme ou barbarie” énoncée il y a cent ans est plus que jamais d’actualité. La crise climatique fixe une date de vie pour l’humanité. L’avancée de la droite autoritaire est “plus coordonnée”, et je dirais aussi qu’elle sera plus agressive et plus violente. C’est l’ennemi le plus dangereux que nous ayons à affronter car il nous conduirait rapidement à la barbarie.

Mais en même temps, il y a une grande résistance dans le monde à cette avancée de l’extrême droite que l’on peut qualifier d’anti-civilisationnelle. Il y a un autre pôle qui se constitue et qui se présente sous la forme des mobilisations qui ont lieu. Un exemple de ces derniers jours est la mobilisation de la jeunesse grecque pour protester contre les autorités de leur pays, accusées d’avoir intentionnellement laissé couler un bateau venu de Libye avec 700 personnes á son bord, migrants qui tentaient au péril de leur vie d’avoir une nouvelle vie en Europe.

Partout, il y a une réaction, même en Chine, il y a une résistance. L’Amérique latine est témoin de mobilisations permanentes. Elle ne dispose pas encore d’un leadership anticapitaliste cohérent, mais elle résiste à la droite et affronte les plans néolibéraux. Nous sommes optimistes quant à ce qui s’est passé en France. Bien que la réforme de l’âge de la retraite oit passée, il y a eu une rupture politique de masse avec le néolibéralisme, et beaucoup de choses peuvent en sortir. Il en va de même pour la situation de la classe ouvrière aux États-Unis. Il ne s’agit pas d’un processus que l’on peut déjà qualifier de caractéristique fondamentale de la politique américaine, mais il s’agit néanmoins d’un processus – que l’on pourrait qualifier de souterrain – qui va déplacer les plaques tectoniques de l’impérialisme américain. En d’autres termes, pour les socialistes, la lutte est ouverte et nous sommes aussi enthousiastes que vous quant aux opportunités qui se présentent. Au sein de la classe ouvrière, dans ses mobilisations et celles des autres secteurs opprimés, nous devons être présents pour avancer et construire cette alternative anticapitaliste. C’est une tâche difficile, mais pas impossible.

En ce qui concerne le conflit entre la Chine et la Russie et les États-Unis et l’Europe, nous pensons qu’il est erroné de penser qu’il y a de bons et de mauvais impérialismes, c’est-à-dire qu’il existe un camp impérialiste progressiste que nous devrions soutenir. La Chine est également un État impérialiste – bien qu’émergent – plus récent dans ce rôle que les États-Unis, mais pas moins agressif pour autant, principalement du point de vue économique. Dans le cas de l’Amérique du Sud, la Chine en est venue à jouer un rôle plus important que les États-Unis. Ses prêts aux pays sont assortis de taux d’intérêt aussi élevés, voire plus élevés, que ceux du marché financier mondial (c’est le cas au Venezuela). La Chine extrait la plus-value des usines installées dans la région et joue un rôle fondamental dans l’extraction des minerais et la contamination de l’environnement qui en découle. Sa capacité militaire augmente rapidement et, bien qu’il n’ait pas la puissance des États-Unis, avec la croissance de son influence économique viendra le développement de ses capacités militaires.

Pour ces raisons, la ligne de démarcation pour définir nos alliés ne passe pas entre pays, mais entre les exploiteurs et les exploités et entre les pays impérialistes et l’autodétermination des peuples. C’est pourquoi nous sommes aux côtés du peuple ukrainien contre l’invasion étrangère, aux côtés des Palestiniens dans leur lutte pour la reconquête de leur territoire, et aux côtés des travailleurs et des secteurs opprimés du monde entier. Nous sommes engagés dans la résurgence de l’internationalisme des travailleurs, en venant en aide à l’internationalisme de tous les opprimés.

2. Le peuple brésilien a défait le gouvernement d’extrême droite de Jair Bolsonaro en octobre 2022. Son successeur, Lula, du Parti des travailleurs, a pris le pouvoir en janvier. Quelle est votre analyse du gouvernement de Lula jusqu’à présent ? Y a-t-il eu des avancées ? Des reculs ?

Pedro Fuentes : Oui, la défaite de Bolsonaro c’est une victoire très importante. Si Bolsonaro avait gagné, nous aurions assisté à un changement de régime qui aurait liquidé toutes les libertés démocratiques. Nous serions sur la voie d’un totalitarisme aux traits fascistes. Cette perspective a été fermée, ce qui ne veut pas dire que le “bolsonarisme” est fini ; il a perdu le pouvoir, mais il conserve beaucoup de force puisque son parti a réussi à entrer au parlement avec une force significative et continue à conserver le soutien d’un secteur de la bourgeoisie – surtout dans l’agrobusiness – et qu’il a 20% de la population qui le suit, surtout dans la classe moyenne supérieure. Quelque chose de similaire (pas exactement la même chose, cependant) à ce qui s’est passé aux États-Unis avec Trump.

Lula a triomphé porté par une coalition qui incorporait des secteurs importants de la bourgeoisie. Son vice-président Geraldo Alckmin est l’un des représentants de cette classe. Et son ministère est composé d’un mélange de membres du PT ainsi que de représentants plus directs de partis bourgeois, dont l’Union brésilienne, le Mouvement démocratique brésilien, le Parti social-démocrate, qui ont même fait partie du gouvernement Bolsonaro ou l’ont soutenu.

D’autre part, et c’est fondamental pour caractériser le gouvernement, le PT a cessé depuis longtemps d’être un parti indépendant. Il s’est assimilé au régime bourgeois lorsqu’il a commencé à remporter des élections et à prendre en charge la gestion des villes et des États, abandonnant son programme initial. Nous définissons ce gouvernement comme bourgeois, parce que la bourgeoisie et ses agents avérés, comme le PT, sont au pouvoir.

Il y a des personnalités plus indépendantes dans le cabinet, comme Silvio Almeida au ministère des droits de l’homme et de la citoyenneté, ou la leader indigène et membre de mon parti, le PSOL, Sonia Guajajara au ministère des peuples indigènes. Mais il s’agit d’une concession faite à la gauche par le reste du gouvernement. Dans l’histoire, la bourgeoisie ou ses agents n’ont jamais gouverné d’une manière contraire à leurs intérêts. Nous pouvons dire qu’il s’agit d’un type de gouvernement bourgeois avec une politique sociale libérale, de conciliation de classe, mais un gouvernement bourgeois au bout du compte, avec des caractéristiques similaires aux gouvernements sociaux-démocrates européens.

Cela a certainement créé des attentes, qui existent encore mais dans une moindre mesure en raison des concessions faites par Lula dans ses deux gouvernements précédents. À l’époque, la situation économique était favorable en raison des prix des matières premières sur le marché mondial, ce qui lui a permis de faire quelques concessions aux travailleurs. Cependant, nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation différente. Le Brésil fait partie de la crise mondiale que nous avons mentionnée précédemment et qui oblige les gouvernements à appliquer des plans d’ajustement économique rigoureux au service de la grande bourgeoisie.

D’autre part, nous avons un parlement où le bloc gouvernemental est minoritaire et n’est pas disposé à mobiliser ses partisans – comme l’a fait le président Gustavo Petro en Colombie lorsque ses plans pour la santé n’ont pas été approuvés par le corps législatif. Le Congrès a fini par élaborer un projet de plan de dépenses gouvernementales qui limite les dépenses sociales à un plafond strict et en revanche priorise le paiement de la dette publique aux banquiers et au capital financier en général. Il y a cependant eu quelques avancées avec le versement d’une allocation aux familles nécessiteuses, et dans la défense de la population indigène Yanomami qui était au bord de l’extinction à cause de la famine et des maladies dues à la politique du gouvernement précédent. Mais en même temps, la majorité bourgeoise a voté récemment en faveur d’une limitation des terres occupées par la population indigène définie par la constitution de 1989. Mais aujourd’hui, les terres occupées par les indigènes est beaucoup plus vastes qu’il y a 30 ans, et les entreprises agroalimentaires veulent les récupérer ces territoires, les défricher et les exploiter.

3. Et la droite ? Au début du mois de juin, le Parti Libéral (PL, de droite) a lancé une attaque contre les parlementaires de gauche du Parti des travailleurs et du PSOL. Quelle est la stratégie de la droite ? Quelles sont ses chances de revenir au pouvoir ?

Pedro Fuentes : La droite a perdu le pouvoir, mais elle reste forte à la Chambre des députés (le Parti libéral, dont Bolsonaro est membre, a le plus grand nombre de députés, 100 sur 504), en tant que force sociale avec 15 à 20 % de la population qui la soutiennent fermement, et aussi très présente dans les forces armées et la police (où elle est particulièrement forte dans les niveaux de commandement intermédiaires). La droite maintient aussi son influence sur les médias sociaux. À la Chambre des députés, le «groupe» des évangélistes et le «groupe» de l’agro-industrie constituent une part importante de l’ultra-droite.

Six députées, Célia Xakriabá (PSOL), Sâmia Bomfim (PSOL), Talíria Petrone (PSOL), Fernanda Melchionna (PSOL), Juliana Cardoso (PT) et Erika Kokay (PT), ont été renvoyées devant le comité d’éthique de la Chambre, une procédure qui pourrait aboutir à l’annulation de leur droit d’exercer leur fonction. Une campagne est menée pour défendre ces camarades contre cette attaque à la fois misogyne et politiquement motivée.

Le MST (Mouvement des travailleurs sans terre), accusé de violer la propriété privée et de pratiquer le terrorisme, fait aussi l’objet d’une autre attaque en règle de la part de la droite. Une commission d’enquête parlementaire a été mise en place, au sein de laquelle notre députée Sâmia Bonfim est en première ligne pour défendre le MST. C’est un processus en cours et une vaste campagne de solidarité avec les députées et le MST doit être menée.

Le futur du Bolsonarisme dépendra de deux questions. L’une d’entre elles dépend de la manière dont Lula continue à gouverner. En cas de grande déception, il est clair que l’extrême droite, qu’elle soit dirigée par Bolsonaro ou par un autre leader, se développera.

L’autre dépend de la possible disqualification de Bolsonaro, qui, comme Trump, est confronté à de nombreuses affaires judiciaires. Contrairement aux États-Unis, une condamnation le rend inéligible pendant huit ans. Si cela se produit, cependant, la droite d’autres têtes pour le remplacer.

Les élections municipales de l’année prochaine seront une indication de la force électorale dont dispose encore la droite. Au-delà de ces perspectives immédiates, nous pensons que le PSOL continuera à se développer tant qu’il maintiendra une politique ferme contre la droite et – en même temps – indépendante du gouvernement.

4. Et à gauche ? Quelle est la stratégie du PSOL en ce moment ? Quels sont les débats au sein du PSOL sur la manière de répondre au gouvernement de Lula et de combattre la droite ? Êtes-vous principalement sur la défensive ou y a-t-il des opportunités de passer à l’offensive ?

Pedro Fuentes : Le PSOL est un parti qui a 20 ans d’existence. Aujourd’hui, nous pouvons affirmer qu’il est le plus important parti de gauche au Brésil face à la faillite stratégique du PT et du Parti Communiste du Brésil (PCdoB), un parti issu du maoïsme et aujourd’hui allié avec le PT. Ces deux partis font partie de la structure du pouvoir et sont au gouvernement. Contre ceux qui ne croyaient pas qu’il était possible de construire un parti à gauche du PT, nous avons construit un parti avec près de 300 000 membres, dont des milliers de militants [organisateurs et activistes] ancrés dans les mouvements ouvriers, populaires, paysans et étudiants. La représentativité parlementaire atteinte par le PSOL démontre qu’il était possible de construire un parti de gauche pour occuper l’espace laissé vacant par la décision du PT d’assumer la gestion de l’État bourgeois et de suivre une stratégie de développement du capitalisme national. C’était le projet fondateur minimal du PSOL avec sa stratégie de se présenter comme un parti anticapitaliste avec une influence de masse.

Aujourd’hui, le PSOL est sous la pression de la structure du pouvoir bourgeois et c’est pour cette raison que nous pouvons affirmer qu’il a des contradictions. Il s’agit d’un projet extrêmement progressiste en raison de son symbolisme, de sa base sociale et d’une partie de son groupe parlementaire. Il comporte d’importants courants anticapitalistes. Mais il y a de grandes lacunes et des risques importants, comme la dilution dans le PT, l’absence d’un projet stratégique et une relation ambigue avec l’État.

Aujourd’hui, cela s’exprime par un secteur considérable de la direction du parti qui agit comme s’il faisait partie du gouvernement; nous faisons référence au secteur articulé autour de Guilherme Boulos [député fédéral et militant du PSOL] ainsi que du président du parti. D’autre part, il y a un autre secteur dans lequel il y a ceux qui ont fondé le PSOL, qui défendent et ont une politique indépendante du gouvernement. Nous nous référons à notre tendance le MES et à d’autres courants qui forment un bloc de gauche. Rien n’est encore joué. Le PSOL est un parti vivant sous la pression de mouvements réels. C’est ainsi qu’il a refusé de voter pour le candidat à la présidence de la Chambre des députés choisi par le gouvernement Lula, présentant à la place son propre candidat, et qu’il a voté contre le projet de budget qui fixait une limite aux dépenses et qui pénalisait principalement la santé et l’éducation.

Le MES, en tant que courant interne du PSOL, se développe. Notre politique comporte deux tâches centrales qui sont combinées. D’une part, nous devons affronter l’ultra-droite et lutter pour envoyer Bolsonaro et sa bande en prison. Nous devons faire face à la politique d’attaque des revendications des femmes et aux politiques xénophobes que cette extrême droite défend et tente de faire passr à la Chambre des députés. Nous devons nous opposer aux tentatives de l’agro-industrie d’envahir les terres indigènes. En même temps, nous sommes indépendants du gouvernement. Nous le défendrons contre les attaques de la droite, mais notre travail consiste à lutter pour les intérêts des travailleurs et des pauvres.

5. Aux États-Unis, le retour d’un mouvement syndical plus militant, plus à gauche et plus démocratique suscite beaucoup d’enthousiasme. Je me demande comment les socialistes de votre parti, le PSOL, sont impliqués dans le mouvement syndical brésilien. Les liens entre la gauche et les syndicats sont-ils solides ? La plupart des syndicats sont-ils encore fidèles au PT ? A-t-on le sentiment que les syndicats sont prêts à lancer une nouvelle dynamique pour organiser de nouveaux travailleurs, ou sont-ils sur la défensive ?

Pedro Fuentes : Le PSOL dans son ensemble a la plus grande participation au parlement, mais sa participation syndicale a augmenté, en particulier grâce aux courants les plus à gauche et à une tradition d’organisation parmi les travailleurs dans des groupes comme le MES. Aujourd’hui, le PSOL dans son ensemble et le MES sont forts dans le secteur des travailleurs des services publics. Au niveau fédéral, nous sommes à la tête d’une majorité de syndicats d’employés des universités, de professeurs d’université, et nous dirigeons plusieurs syndicats d’enseignants de l’éducation de base. Nous sommes encore faibles dans les secteurs des travailleurs industriels. Les exceptions sont les travailleurs de la chimie, les travailleurs du pétrole où nous avons une certaine insertion en tant que PSOL, et récemment une section de travailleurs de la métallurgie.

Quels sont les liens entre la gauche et les travailleurs ? La plupart des dirigeants syndicaux sont affiliés à des partis de centre-gauche et au PT. Ce dernier est majoritaire dans les syndicats dotés d’une direction bureaucratique. La base des adhérents est plus floue, pour l’instant apathique. Les catégories que j’ai mentionnées font exception et sont animées par des partis plus radicaux tels que le PSOL. Le PT maintient sa force parmi les travailleurs de l’industrie, qui sont pour l’instant ceux qui se sont le moins mobilisés. La situation est différente pour les travailleurs du secteur public, qui ont déjà fait l’expérience des gouvernements du PT.

On peut dire que le mouvement syndical est toujours sur la défensive. Dans le même temps, les grèves se multiplient parmi les enseignants et les travailleurs du métro, et d’importantes grèves ont eu lieu chez les pétroliers. Cet été, une grève a lieu au sein du syndicat des travailleurs de l’éducation à Rio de Janeiro, où le PSOL et en particulier le MES sont majoritaires au sein de la direction. La grève dispose de comités de grève locaux ou sectoriels et des assemblées générales hebdomadaires sont organisées pour décider des actions à entreprendre. Les livreurs sont également organisés et mènent des actions importantes pour revendiquer leurs droits.

D’autre part, il y a les luttes dans les campagnes qui continuent à définir l’agenda actuel de la réforme agraire. Les mouvements de “sans-terre” subissent une forte attaque de la part de l’agrobusiness, dont la majorité continue de soutenir Bolsonaro. Le PSOL – et en particulier le MES – a renforcé son travail dans les campagnes et compte des militants dans le MST, le FNL, le MLST, le Movimento Nossa Terra et le Movimento Popular de Luta, qui organisent tous des occupations de terres.

Il ne faut pas oublier les conflits qui ont lieu dans la forêt amazonienne, qui est un territoire stratégique et très disputé, où les peuples de la région subissent un siège mortel, à la demande des propriétaires terriens, des accapareurs de terres, des exploitants forestiers et des prospecteurs, avec le soutien des élites politiques et économiques rurales et urbaines. Le PSOL a développé sa présence dans cette zone stratégique où les populations indigènes, les communautés noires appelées quilombolas, les populations riveraines, les petits agriculteurs et les autres travailleurs ruraux qui poursuivent la résistance ont construit des processus de reconquête de leurs territoires. En même temps, ils construisent des formes de vie et des processus de sociabilité qui résistent à la notion de temps et d’espace du capital, en affirmant des valeurs, des cultures et des connaissances qui s’opposent à la logique du marché.

6. Cet été marque le dixième anniversaire des soulèvements populaires de 2013 au Brésil contre le néolibéralisme – les “Journées de juin”. Quel est l’état des mouvements populaires et sociaux brésiliens aujourd’hui, dix ans plus tard ? Quels sont les mouvements qui jouent un rôle de premier plan dans la lutte pour les droits sociaux et dans la radicalisation des jeunes ?

Mariana Riscali : C’est une question très importante car une grande partie des médias brésiliens, des mouvements sociaux et des partis de gauche, y compris le PT, semblent avoir oublié les “Journées de juin”.

C’est le cas de l’élite, car il n’est évidemment pas dans son intérêt de rappeler que les manifestations de masse sont une voie vers des conquêtes sociales – il y a eu d’importantes victoires en 2013, comme la réduction des tarifs des transports publics, la principale revendication qui a motivé le début des manifestations.

Il y a, au sein de la gauche, deux façons d’interpréter ces révoltes.

La première consiste à dire que, dès le début, les soulèvements avaient une motivation “anti-politique”. Ce sont surtout des conservateurs qui sont descendus dans la rue. Cela expliquerait même pourquoi, plus tard, en 2016, les grandes manifestations canalisées par la droite, qui ont contribué au coup d’État parlementaire qui a évincé l’ancienne présidente Dilma Rousseff, ont ouvert la voie à la droite et à Jair Bolsonaro.

Mais pour nous, il s’agit là d’une incompréhension totale, voire d’une déformation intentionnelle du caractère des manifestations de juin. Le mécontentement était énorme, et pas seulement à cause du prix des transports, mais aussi parce que le Brésil était également touché par la crise internationale qui a commencé en 2008, et qu’une partie importante des classes moyennes et inférieures enduraient une baisse des revenus, d’un endettement croissamt dettes énormes et d’une réduction des investissements dans les services publics. Il y a eu un grand rejet des politiciens et des partis politiques traditionnels, et nous ne pouvons pas oublier que le PT a gouverné non seulement avec Dilma, mais aussi avec Fernando Haddad, maire de São Paulo à l’époque (et aujourd’hui ministre des Finances de Lula, l’un des membres du gouvernement les plus soutenus par les secteurs libéraux).

Une fois que l’on a compris cela, on ne peut pas dire que les manifestants étaient orientés à droite. Ce qui s’est passé, c’est qu’une grande partie de la gauche, en particulier le PT qui était au pouvoir, n’a pas su, ou n’a même pas essayé de comprendre et de répondre à ce mécontentement économique, social et politique général. Cela a permis à la droite pour prendre en compte ces sentiments et de se présenter comme une alternative.

En tant que socialistes révolutionnaires, nous devons soutenir et encourager les mobilisations de rue et défendre l’auto-organisation collective des mouvements sociaux. C’est pourquoi, en tant que MES, nous nous célébrons le dixième anniversaire des “Journées de juin” pour renforcer l’importance de la mobilisation de la rue et des mouvements sociaux. Même maintenant que nous avons battu électoralement Bolsonaro, l’organisation des mouvements sociaux et de la classe ouvrière est le moyen le plus puissant de parvenir à un changement social. Certains mouvements liés au PT essaieront de “freiner” ou d’arrêter les mobilisations pour protéger Lula. Nous défendrons le gouvernement de Lula contre une attaque de la droite, mais nous sommes certains qu’il est nécessaire de rester mobilisés pour lutter pour nos droits. Un exemple de mouvement qui joue un rôle parmi les jeunes est Ensembles ! (Juntos !), un mouvement de jeunes et d’étudiants organisé par le MES, qui a joué un rôle important dans les mobilisations de 2013 et qui continue à se développer dans les lycées et les universités du pays.

7. Qu’ le PSOL aujourd’hui ? Quelle est la base sociale du parti ? Quelle est la politique du PSOL à l’égard du PT ? Combien de membres compte le parti ? Combien d’élus ?

Mariana Riscali : Le PSOL est aujourd’hui le deuxième parti de la gauche brésilienne, avec près de 300 000 membres, 13 députés fédéraux, 22 députés d’État et 88 conseillers dans 14 États du pays. Le PSOL dispose d’une base solide, notamment parmi les fonctionnaires, en particulier dans le secteur de l’éducation. Le mouvement étudiant et les jeunes en général constituent une partie importante de notre base sociale. Le PSOL occupe également un espace très large parmi les secteurs de l’avant-garde féministe, noire, LGBTQIA+ où, pour nous du MES, il est nécessaire d’aller au-delà des demandes de représentation mais aussi de s’assurer que le PSOL est cohérent dans la défense de ces groupes là où ils sont le plus affectés par l’inégalité sociale, c’est-à-dire au sein de la classe des travailleurs.

Notre politique vis-à-vis du PT s’inscrit dans un débat plus large sur la stratégie du PSOL face à la nouvelle situation brésilienne, après l’élection de Lula. Certains secteurs du parti défendent de faire partie du gouvernement du PT, de soutenir et de voter en faveur de ses projets de loi et d’occuper des postes au sein de l’exécutif. Nous, au MES, ainsi que ce qui est considéré comme l'”aile gauche” du PSOL, pensons que le parti doit être indépendant. Nous sommes indépendants du gouvernement dans le sens où nous critiquons les mesures qu’il prend et qui sont néfastes pour les travailleurs, etc. En même temps, nous défendons le gouvernement lorsqu’il est attaqué par l’extrême droite et nous ne renonçons pas à l’unité avec le PT nécessaire pour combattre l’extrême droite et le Bolsonarisme. Mais nous sommes capables d’avoir l’indépendance nécessaire pour défendre un programme de gauche. Le PSOL doit indiquer des solutions différentes lorsque la politique du gouvernement est en contradiction avec les intérêts des travailleurs et des mouvements sociaux. Et cette politique gouvernementale opposée aux intérêts des travailleurs est en train de se produire.

8. Pour finir, le MES est un membre fondateur du PSOL. Quelle est la force du MES à l’heure actuelle ? Quels sont ses principaux domaines d’activité ? Quelle est la vision du MES pour PSOL ?

Mariana Riscali : Le MES est aujourd’hui le plus grand groupe á la gauche du PSOL. Nous tenons la trésorerie nationale du parti et nous avons plusieurs présidences d’État et d’autres postes dans les directions locales. Nous avons deux députés fédéraux, Sâmia Bomfim et Fernanda Melchionna, entre autres élus, qui font partie du MES. Le MES est présent dans 20 des 26 États du pays, outre le district fédéral de Brasilia. Et notre action va au delá, car nous faisons également partie de mouvements sociaux comme les mouvements de jeunes Juntos!, et Juntas!; le mouvement social déducation populaire Emancipa,lorganistation de sans-terre et de sans toits FNL (Front National de Lutte qui regroupe les sans-terre à la campagne comme les sans-logis dans les villes), du mouvement syndical, en particulier dans les domaines de l’éducation et de la santé, du mouvement écosocialistes et des luttes rurales, comme le MST, le FNL, le MLST, le MNT et le MPL.

Nous, membres du MES, avons fondé le PSOL dans le but de dépasser le PT et de devenir un parti anticapitaliste avec une influence de masse. Comme nous l’avons déjà dit, ce projet est menacé si le poids des secteurs pragmatiques conduit le parti sur la voie d’une plus grande intégration avec le régime bourgeois. C’est pourquoi le 8e congrès national du PSOL, qui aura lieu cette année [fin septembre et début octobre], jouera un rôle décisif dans l’orientation du parti, et nous, au sein du MES, notre engagement est de mobiliser la base du parti pour mener à bien ce débat et défendre un projet militant pour le PSOL.

Nous sommes aussi internationalistes, nous sommes membres de la Quatrième Internationale, et nous pensons qu’il est essentiel de se tenir au courant des mobilisations internationales, de parier sur l’organisation de la gauche mondiale et sur ses processus de lutte. Nous avons observé avec beaucoup d’enthousiasme depuis le début l’émergence de DSA comme une organisation capable de renouveler et d’influencer la gauche américaine, et nous voulons continuer à agir ensemble dans la construction de cette alternative socialiste internationaliste nécessaire qui doit être construite au niveau mondial pour vaincre le capitalisme.


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